Lorsque vous participez à un atelier ou allez en séance individuelle chez un praticien, vous êtes-vous demandé dans quel grand courant s’inscrit sa pratique et quel est son statut ? Ce praticien se définit-il comme thérapeute, guide, accompagnant spirituel, formateur, initiateur, gourou, life coach ou accoucheur de potentiels ? Cela change-t-il quelque chose à son approche ?
Mieux vaut ne pas trop s’attacher à ces différentes appellations car mis à part quelques professions protégées (médecin, psychologue…), leur contenu peut être aussi vague que changeant. Indépendamment de tout diplôme, certificat ou formation, n’importe qui peut s’autoproclamer chaman, facilitateur en Danse des Cinq Rythmes, naturopathe ou praticien en Qi Gong, avec une vision et une déontologie du métier qui relèvera avant tout de sa propre sensibilité.
Si un médecin est tenu de respecter une déontologie strictement codifiée sous le contrôle vigilant d’un Conseil de l’Ordre, un animateur en Constellations familiales, par exemple, n’a aucun compte à rendre à une quelconque autorité supérieure quant à sa pratique.
L’élargissement progressif des définitions et la sensibilité propre à chaque praticien font que les distinctions s’estompent peu à peu. Faites un petit tour sur internet et vous verrez que les concepts se mélangent allègrement.
Coaching et développement personnel
Ainsi, qui peut encore tracer une frontière claire entre coaching et développement personnel ? Issus de l’univers professionnel, le coaching se définit initialement comme un accompagnement individuel destiné à améliorer les compétences et la performance d’une personne, à travers la définition et la réalisation d’objectifs.
Puis est venu le coaching de vie (life coach) centré sur la réalisation d’objectifs de vie, pouvant être de se réaliser pleinement, de trouver un sens à sa vie ou d’être en paix avec soi-même. Cela se rapproche quand même fort du développement personnel, défini par Wikipédia comme «Un ensemble de courants de pensées et de méthodes destinées à améliorer la connaissance de soi, à la valorisation des talents et potentiels, à l’amélioration de la qualité de vie, à la réalisation de ses aspirations et de ses rêves».
Peut-être peut-on dire que le coaching est plus une pédagogie de l’action basée sur des solutions proposées par le coach, tandis que le développement personnel est une démarche plus intériorisée par laquelle chacun est invité à trouver les ressources en lui-même ?
Même cette distinction ne me semble plus aussi tranchée…
La voie initiatique
Et en quoi est-ce différent d’une voie initiatique amenant à la connaissance et à la réalisation de soi ? Si le terme «initiatique» recouvre plusieurs réalités bien distinctes, celle qui nous intéresse ici me semble rejoindre la définition qu’en donne le psychothérapeute Karlfried Graf Dürckheim : «L’adjectif initiatique vient du mot latin initiare qui signifie : ouvrir la porte menant à ce qui est secret. Ce qui est secret, c’est l’homme lui-même dans son essence, dans son être essentiel».
La voie initiatique invite donc à un voyage vers les profondeurs de sa propre psyché, dans ses parts d’ombre. Ne pas fuir ce qui est inconnu en soi mais le voir comme une opportunité de grandir, de se réapproprier des parties enfouies de soi pour se réaliser plus pleinement.
Ce chemin de maturation passe généralement par des épreuves à surmonter, qu’elles soient de nature physique, psychique ou émotionnelle, qui nous révèlent chaque fois un peu plus à nous-mêmes. Ce choix de passer par l’ombre pour mieux revenir à la lumière suppose d’accepter que ces épreuves à traverser puissent potentiellement être source d’inconfort, voire de souffrance, sachant que la souffrance n’est jamais vue comme une fin en soi.
Une démarche de développement personnel visera le plus souvent uniquement au développement des aspects «positifs» de la personnalité. Pour qu’elle ait une dimension initiatique, il faudrait donc que le futur initié fasse sienne cette phrase de Carl Gustav Jung : «Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité».
La voie spirituelle
Même si elle peut emprunter des chemins communs, la voie spirituelle se singularise par une dimension transcendantale dont les démarches décrites ci-dessus sont généralement dépourvues.
La spiritualité peut être vue comme une expérience intérieure s’ouvrant en même temps à quelque chose de plus grand que nous, qui nous dépasse et nous transcende, tout en nous ramenant à nous-même. Cette double connexion offre la possibilité d’amener à la conscience d’autres parties de nous-mêmes qui ne nous seraient pas accessibles autrement.
La démarche spirituelle recherche donc à expérimenter des plans plus vastes que ceux du corps, de la psyché ou des émotions.
Si une voie spirituelle est a priori initiatique, un parcours initiatique n’est pas nécessairement doté d’une dimension transcendantale.
Le processus thérapeutique
Et le processus thérapeutique, dans tout ça ? A première vue, il s’agit d’un tout autre registre puisque, dans sa définition stricte, il consiste en la prévention et le traitement des maladies (que je limiterai ici aux aspects psychologiques et émotionnels). Il est donc plus question de guérison que d’épanouissement ou de réalisation de soi.
Si la thérapie peut partager certains outils avec les démarches précédentes, l’objectif reste différent. La personne venant en thérapie vient généralement avec une demande visant à supprimer les symptômes (dont la souffrance) d’une pathologie liée à son passé. Par contre, une personne inscrite dans une démarche d’accomplissement de soi est généralement tournée vers le futur et vise un mieux-être, une meilleure réalisation de son potentiel, qui peut impliquer de passer par des phases de souffrance si cette démarche a une dimension initiatique.
Suivant la célèbre pyramide des besoins créée par le psychologue Abraham Maslow, la (psycho)thérapie s’occupe donc des «besoins psychologiques de base», tandis que les autres voies visent l’accomplissement de soi de personnes dont les besoins psychologiques de base ont déjà été rencontrés.
De nombreux praticiens, dont moi, ont cependant une vision plus large de la thérapie, qui ne se focalise pas uniquement sur les problèmes, sur ce qui va mal, mais qui consiste à nourrir ce qu’il y a de meilleur en nous et à réhabiliter ce qui est dans l’ombre pour le ramener à la lumière. Cette définition étendue de la thérapie la rapproche donc déjà singulièrement plus des démarches précédentes.
Un travail thérapeutique peut être dénué de toute dimension initiatique, spirituelle ou de développement personnel. Une fois l’objectif de santé ou de bien-être atteint, ce travail se clôt naturellement.
Une personne venant avec une demande strictement thérapeutique n’est d’ailleurs généralement pas intéressée à sortir de sa zone de confort ou à aller vers des situations confrontantes, quand bien même elles lui permettraient d’évoluer.
En revanche, il est courant qu’une démarche initiatique ou spirituelle implique un moment de passer par une thérapie. Ainsi, si un blocage dû à un traumatisme d’enfance devient un frein à l’évolution de la personne, une thérapie appropriée pourrait lui permettre de dénouer ce nœud et de poursuivre son chemin de réalisation.
Par ailleurs, il me semble rare qu’une voie de réalisation de soi n’ait pas en elle-même un effet thérapeutique, dans la mesure où tout processus d’évolution prend nécessairement en compte nos blessures émotionnelles, nous invite à guérir et réhabiliter ce qui doit l’être.
Les deux peuvent donc être intimement liés et complémentaires. Graf Dürckheim ajoutait d’ailleurs à la thérapie traditionnelle la «thérapeutique initiatique». Fortement influencé par Jung, Graf Dürckheim considérait qu’il incombait au thérapeute d’ajouter à la casquette du soignant classique celle du gourou, afin de prendre en considération la personne dans sa globalité, incluant le besoin de tout être humain de se réaliser dans son être essentiel.
En fonction des besoins et de la demande formulée par son client, un même accompagnant pourrait donc cumuler (en même temps ou successivement) les différents statuts de thérapeute, guide ou initiateur.
En conclusion, il devient de plus en plus délicat de se fier à une quelconque dénomination pour savoir quelle pratique elle recouvre et dans quel cadre elle s’effectue.
Ces différentes approches ne sont pourtant pas équivalentes. Si leurs outils peuvent parfois être similaires, leurs objectifs ne sont pas les mêmes, pas plus que le degré d’implication qu’elles exigent ou leur rapport à la souffrance.
Avant de s’engager dans une pratique, il sera donc intéressant de s’interroger au préalable sur la finalité visée et les moyens que l’on est prêt à mettre pour y arriver.
Didier de Buisseret, psychothérapeute
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